AUV Résident
Le projet d’AUV (Autonomous Underwater Vehicle) résident consiste à développer un engin d’observation ayant pour base de départ et de retour une infrastructure câblée d’observation en fond de mer, de manière à en élargir le rayon d’observation. C’est l’extension mobile d’un dispositif permanent d’observation sous-marine en point fixe.
Pourquoi ?
La principale force des observatoires sous-marins installés en point fixe est leur capacité à acquérir de longues séries de données. Cependant, leur emprise spatiale est, par construction, limitée à la portée de leurs instruments, donc très variable selon les paramètres mesurés.
Inversement, la mobilité des AUVs leur confère la capacité à observer une grande étendue spatiale. Mais leur durée d’observation est aujourd’hui limitée par le fait qu’ils sont opérés et supervisés à partir d’un navire. En pratique, cette durée n’excède pas quelques jours voire semaines, quand un observatoire en point fixe peut acquérir des mesures pendant plus d’un an sans intervention humaine.
Ainsi, rendre un AUV capable d’effectuer des missions successives sans l’aide d’un navire, mais au départ et au retour d’une station sous-marine fixe, va donner accès simultanément au meilleur des deux technologies : une acquisition de longues séries temporelles sur un domaine spatial étendu.
Au-delà de la durée d’observation permise, le caractère permanent de l’AUV résident constitue également un atout d’importance car il permet « d’être là au bon moment », c’est-à-dire de saisir des évènements ou phénomènes imprévus. Il sera par exemple possible de déclencher le départ en mission d’un AUV résident suite à la détection d’un glissement de terrain ou d’une activité sismique. Cela prendra quelques minutes, alors qu’il faut plusieurs jours ou semaines pour mobiliser un engin d’observation à partir d’un navire.
État de l’art
Dans le monde académique, il n’y a pas de référence d’opération longue d’un engin d’observation à partir d’une base en fond de mer. L’industrie a commencé à investir sur ce sujet et progresse rapidement, dans le but de devenir capable de surveiller et maintenir des installations industrielles marines et sous-marines sans l’aide d’un navire, à partir d’une salle de contrôle à terre. De plus, la résidence d’engins mobiles intéresse également le domaine de la défense pour des sujets de surveillance.
Quels sont les principaux verrous technologiques ?
Le premier défi à relever est de concevoir un système - l’engin et sa base d’accueil -opérationnel pendant plusieurs semaines voire plusieurs mois sans aucune intervention humaine locale.
En effet, l’immersion prolongée d’un engin le soumet aux agressions du milieu marin que sont la corrosion, la dégradation ou la prise d’eau de certains matériaux, les salissures provoquées par l’accumulation de sédiments et les bio-salissures dues à la colonisation des surfaces exposées par des organismes marins. Toutes ces salissures, en s’accumulant au fil du temps, font varier la masse et la densité de l’engin de manière non contrôlée. Elles affectent particulièrement le fonctionnement des dispositifs optiques (caméras, projecteurs, cibles optiques) et peuvent même occuper ou altérer les surfaces critiques devant rester dégagées pour l’arrimage de l’engin sur sa base.
L’opération longue du système sans intervention humaine locale lui impose par ailleurs une fiabilité à toute épreuve. Au niveau logiciel par exemple, il n’y aura personne pour redémarrer l’engin comme on peut être amené à le faire avec un ordinateur ou un téléphone en cas de dysfonctionnement. De manière générale, les probabilités et les conséquences de panne de chaque sous-ensemble doivent être rigoureusement analysées de manière à minimiser leur impact sur le système et prévoir leur atténuation ou le passage dans un mode dégradé garantissant sa sécurité.
Un deuxième verrou consiste tout simplement à garantir le retour de l’engin sur sa base à l’issue de chacune de ses missions. Cela repose sur un positionnement permanent de l’engin par rapport à sa base et sa faculté à faire route vers elle, que ce soit à l’issue programmée d’une mission ou à la survenue de tout évènement qui l’exigerait, quelles que soient les conditions de courant et de visibilité rencontrées. Parvenu à proximité de la station d’accueil, la manœuvre d’approche finale et d’arrimage doit également se solder par 100% de taux de succès, quelles que soient les conditions.
Comment ?
Il s’agit aujourd’hui de prouver la faisabilité de la résidence à long terme pour ouvrir de nouvelles perspectives en matière d’observation in situ. Le premier engin, à l’étude dans le projet ScInObs de l’Ifremer, sera donc volontairement limité en charge utile, tout en répondant à plusieurs cas d’usage scientifiques :
- Le suivi des écosystèmes benthiques,
- La caractérisation des habitats benthiques et le suivi de la biodiversité,
- L’observation d’émissions de fluides et d’évènements éruptifs.
Pour ces cas d’usages, il est envisagé d’intégrer les capteurs suivants :
- Caméra HD stéréo et projecteurs
- CTD (Conductivity, Temperature, Depth)
- Capteur d’oxygène
- Turbidimètre
- ADCP (Acoustic Doppler Current Profiler) 1 MHz
Les cas d’usage déterminent également les conditions de fonctionnement de l’engin, à savoir la profondeur, la géométrie et la cinématique de ses parcours, les valeurs de courant et de turbidité rencontrées, etc. Ces paramètres et la charge utile à emporter dimensionnent le volume, le poids et la capacité électrique de l’engin. En dehors de la charge utile, les principaux organes à mettre au point ou à qualifier, puis à intégrer dans l’engin ou sa station d’accueil sont :
- Batterie et son dispositif de gestion de charge (Battery Management System),
- Dispositif de transmission de puissance et de données sans contact électrique entre la station d’accueil et l’AUV,
- Dispositif de verrouillage de l’AUV sur sa station,
- Capteurs de navigation,
- Dispositif de réglage de pesée,
- Moteurs, variateurs, propulseurs et leur dispositif de commande.
État du projet
Un premier dimensionnement de l’engin a été réalisé. Sa forme et son architecture propulsive ont fait l’objet d’une première ébauche.
Première ébauche de forme d’AUV résident – © Damien Le Vourc’h, IFREMER
Les sous-ensembles cités plus haut sont soit en cours de développement, soit en cours de qualification. Le logiciel de fusion multi-capteur pour le positionnement et la navigation est en cours d’amélioration. La fonction de docking sécurisé fait l’objet de tests de mise au point en bassin.
Également, une particularité de ce projet est qu’il nécessite un très gros effort de tests, en bassin puis en mer à des profondeurs et sur des durées croissantes. C’est un processus long et coûteux mais absolument indispensable.
Séquence de tests et validation de l’AUV résident
L'équipe du projet
Jérôme Blandin, Aurélien Arnaubec, Adrien Chauvet, Maxime Ferrera, Morgann Le Bot, Damien Le Vourc’h, Julien Legrand, Nicolas Mertz, Patrick Rousseaux – IFREMER
Références
Delaney, J.R., D.A. Manalang, A. Marburg, A. Nawaz, and K. Daly. Report of the Resident AUV Workshop, 9–11 May 2018. APL-UW TR 1901, Technical Report, Applied Physics Laboratory, University of Washington, Seattle, March 2020, 84 pp.
D. Manalang, J. Delaney, A. Marburg and A. Nawaz, "Resident AUV Workshop 2018: Applications and a Path Forward," 2018 IEEE/OES Autonomous Underwater Vehicle Workshop (AUV), Porto, Portugal, 2018, pp. 1-6, doi: 10.1109/AUV.2018.8729720
J. Albiez et al., "FlatFish - a compact subsea-resident inspection AUV," OCEANS 2015 - MTS/IEEE Washington, Washington, DC, USA, 2015, pp. 1-8, doi: 10.23919/OCEANS.2015.7404442.